Les enquêtes virulentes de l’antitrust chinois reflètent un regain de patriotisme économique.
Audi, Mercedes-Benz ou Volkswagen sont tous en joint-venture avec des partenaires chinois qui trinqueront également financièrement en cas de condamnations pour pratiques anticoncurrentielles. Les amendes pourront s’élever jusqu’à 10 % des revenus engrangés en Chine l’année précédente. L’équipementier automobile japonais NSK vient d’écoper d’une amende de 21,25 millions d’euros pour une pratique monopolistique dans la vente de roulements à billes. Dans la tempête, les multinationales font le dos rond. Elles promettent de coopérer avec les enquêteurs, de peur d’aggraver leur cas. Mais en coulisses, elles dénoncent des «intimidations» et des chantages. Elles affirment que leurs rivales locales ne sont pas logées à la même enseigne. «Dans un État de droit, l’accusé doit pouvoir se défendre. Les enquêteurs ont déconseillé à certains de nos membres de venir avec leur avocat», dénonce au Figaro Stefan Sacks, vice-président de la Chambre de commerce de l’UE en Chine (EUCCC).
«Coup de semonce»
L’offensive contre les grands noms occidentaux a démarré l’été dernier, dans la foulée de l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, avec pour première cible les laboratoires pharmaceutiques. Accusé de corrompre les médecins, GSK voit son patron tomber sous le coup d’une «sex-tape» compromettante. Le français Sanofi est également ciblé, pendant que le suisse Novartis change discrètement ses équipes, sentant le vent du boulet. Pour certains, le timing nourrit l’hypothèse d’une stratégie politique visant à asseoir le pouvoir du nouveau leader chinois en jouant sur la corde patriotique. «Ces multiples enquêtes ressemblent à une grande reprise en main du pays par un homme», juge Jean-Philippe Béja, directeur de recherche au CNRS. La mise au pas des grandes marques internationales va de pair avec la campagne anticorruption que Xi a déclenchée contre les cadors du Parti, pour soigner sa popularité auprès du petit peuple. En réalité, la vague s’inscrit dans un virage de la stratégie économique chinoise, clôturant la fin de l’âge d’or des multinationales. L’offensive répond à l’objectif de montée en gamme fixée par l’équipe Xi Jinping afin de stimuler la productivité des champions nationaux tout en améliorant le pouvoir d’achat des nouvelles classes moyennes, garant de la stabilité sociale. «Pendant longtemps nous avons tout fait pour attirer les groupes étrangers afin de développer l’économie. Cette ère est terminée, l’heure est venue de réorganiser le marché», juge Ye Tan, économiste influente. Un représentant d’un groupe pharmaceutique européen à Pékin ne dit rien d’autre: «Ces enquêtes sont un coup de semonce pour dire: nous allons faire de la place pour nos marques locales.» Une offensive dont l’intensité dépendra de la force de la concurrence locale dans le secteur, et devrait épargner les domaines où les Occidentaux ont encore une nette avance technologique, tel l’aéronautique. Une nouvelle donne, qui pèsera sur les choix stratégiques d’investissement des groupes étrangers en Chine où ils font face à une situation de plus en plus «complexe», selon Sacks. Avec à la clé, pour certains, l’éventualité du départ. «Mais ce n’est pas une décision facile, car la Chine est le premier marché du monde», note Mei. Sources: Le Figaro Sébastien Falletti