Pourquoi la sieste est bonne pour votre entreprise.

Pourquoi la sieste est bonne pour votre entreprise

Facteur de bien-être, la sieste ne fait pas recette dans le monde du travail. Dommage, elle augmente la performance des salariés.

Face au manque de sommeil, au stress ou au coup de barre de 14h, trop de salariés ont recours aux médicaments ou au café. Pourtant, le meilleur moyen de recharger les batteries serait de s’assoupir quelques minutes. Contrairement aux idées reçues, au bureau, l’oreiller est au service de la productivité.

Dans le monde professionnel, il est indispensable d’être performant et alerte toute la journée. Toutefois, même avec la meilleure volonté du monde, il est physiologiquement impossible de maintenir le même niveau de concentration pendant plusieurs heures. « Que l’on soit cadre dirigeant, ou techniciens, en CDI ou en CDD, dans une PME ou dans une multinationale, nous avons tous un point commun : une variation de la vigilance. Celle-ci survient très souvent en début d’après-midi », souligne Agnès Brion, psychiatre spécialiste des troubles du sommeil et membre du réseau Morphée qui est spécialisé dans la prise en charge des troubles du sommeil. « Pour rester performant et se sentir bien, la meilleure solution est d’effectuer une sieste après le déjeuner. Un vrai repos de 10 minutes en moyenne permet de faire remonter très nettement le niveau de vigilance », précise-t-elle.

Même avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de maintenir plusieurs heures le même niveau de concentration

Faire la sieste au bureau est également une excellente solution pour les salariés qui manquent de sommeil. « Cela concerne potentiellement de nombreuses personnes. Une étude de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) a montré qu’en 2012, un tiers des actifs âgés de 25 à 45 ans dormait moins de 7 heures par jour, ce qui est peu. Pour être bien sa tête et dans son corps, il est souvent nécessaire pour eux de recharger les batteries dans la journée », affirme le docteur Brion.

Le docteur Georges-Philippe Dabon, spécialiste de la santé au travail, est lui aussi un fervent défenseur de la sieste au bureau : « Je milite ardemment pour que tous les salariés se reposent vraiment en début d’après-midi. Si je préconise cela, c’est pour une raison somme toute peu connue mais qui a un fort impact sur notre santé et notre bien-être : la digestion. Il faut bien avoir conscience que la digestion a un coût énorme en énergie. La nourriture que nous ingurgitons traverse notre muqueuse intestinale pour irriguer notre sang.  Lorsque l’on est debout ou assis, on digère lentement, on puise dans notre énergie, on se fatigue inutilement. Le mieux est donc de s’allonger quelques minutes pour se reposer et bien digérer », soutient-t-il.

Pour le docteur Dabon, la sieste a un autre avantage. « Ce qui nuit le plus à la qualité de vie au travail, c’est le bruit. On mange dans le bruit, on travaille dans le bruit, notamment en open space qui est pour beaucoup un véritable enfer. S’isoler ne serait-ce qu’un quart d’heure dans la journée, ça ne se refuse pas ».

Si de nombreux salariés se plaignent du manque de calme et du fameux « coup de barre de 14h », force est de constater que la sieste reste très peu répandue dans les entreprises françaises.

En Chine le droit à la sieste est inscrit dans l’article 43 de la Constitution

D’après le docteur Brion, la sieste sur le lieu de travail est un sujet difficile à aborder dans les pays occidentaux. « En France, nous pensons qu’il existe un lien entre l’ardeur que l’on met à la tâche et la performance. Le salarié qui ne prend pas de pause, celui qui dit qu’il est fatigué est bien vu. Celui qui va faire une sieste est considéré comme tire au flanc ». Pas étonnant que le terme travailler sans relâche fasse partie du langage courant…

« Pourtant, celui qui prête attention à l’Histoire constatera que la sieste est une vraie tradition française », note le docteur Dabon. « La France a été longtemps une société à dominante rurale et artisanale. Nous étions accoutumés à faire la sieste après le déjeuner ou lors des moments où il faisait le plus chaud. On peut travailler dans le secteur tertiaire et dormir au travail, ce n’est pas incompatible ».

Un pays a osé légiférer en matière de sieste au travail. Il s’agit de… la Chine. Dans ce pays le droit au repos et à la sieste y est reconnu dans l’article 43 de la Constitution.

Allant à l’encontre des idées reçues, de très rares entreprises françaises ont osé mettre en place des politiques visant à favoriser la sieste au travail.

Ils ont osé la sieste au bureau

Léa Nature, une entreprise de 450 salariés spécialisée dans les produits naturels et biologiques, a mis en place en 2013 une salle de sieste dans son siège social situé en Charente-Maritime.

« Nous avions initialement choisi de mettre en place cette salle de sieste car 64% de nos salariés sont des femmes qui pour beaucoup sont de jeunes mères qui ont besoin de s’allonger. Mais nous nous sommes rendu compte que tout le monde était demandeur », explique Mireille Lizot, directrice de la communication institutionnelle de Léa Nature.

Concrètement, la salle de sieste nommée salle zen est située dans un ancien bureau. On y trouve une lumière tamisée, du parquet et 4 transats. Selon le docteur Brion, cette configuration est idéale, « pour bien  faire la sieste au bureau, il est important de se mettre dans un lieu calme, en semi obscurité, allongé ou mi-allongé. La sieste ne doit pas être trop longue pour ne pas tomber dans l’inertie ».

« Nous avons découvert que de nombreux salariés hommes avaient pris l’habitude de se cacher dans leur voiture pour une sieste de quelques minutes »

Du côté des salariés, l’officialisation de la salle de sieste a été bien accueillie. Elle a permis d’institutionnaliser une pratique qui était répandue, mais cachée. « C’est après la mise en place de la salle zen que nous nous sommes rendu compte que de nombreux salariés hommes avaient pris l’habitude de se cacher dans leur voiture pour faire une sieste de quelques minutes », se remémore Mireille Lizot.Les salariés ont quant à eux adopté la salle. Il faut dire que la demande émanait du comité d’entreprise. Angélina, salariée au service gestion, est enthousiaste, « dans la salle, je ne m’endors pas réellement. Mais le silence m’apaise et ensuite, je suis plus détendue. Je suis souvent amenée à gérer des litiges ou des personnes mécontentes. Ici, je recharge les batteries ».

D’autres entreprises comme Novius ou Pwc suivent les pas de Léa Nature mais elles restent encore extrêmement minoritaires. Une situation que déplore Georges-Philippe Dabon : « Plus que la productivité à court terme, c’est surtout le bien-être à long terme que la généralisation de la sieste au travail va favoriser. Le problème, c’est que pour le moment, la situation est traitée à la marge par les RH. Il s’agit pourtant d’un véritable enjeu de santé publique ».

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