Intelligence Artificielle: la fin du travail ou des poncifs?

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Les économistes français doivent s’investir davantage sur l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle (IA) des géants de la Silicon Valley et des BATX chinois bouleverse la société. Même les dirigeants de Google ont admis qu’ils avaient sous-estimé ses conséquences sur notre modèle économique et social.

Que fait-on de nos cerveaux quand l’IA devient quasi gratuite ? Comment évite-t-on un monde profondément inégalitaire ? Pour certains experts pessimistes, aucune compétence ne serait inaccessible aux machines intelligentes, qui rendront non compétitif le travail humain : le 24 juillet 2017, la Harvard Business Review affirmait que même les consultants de haut vol seraient bientôt remplaçables par l’IA.

Nous pourrions être confrontés à d’immenses difficultés sociales : la course de vitesse entre la formation et l’IA est lancée, pour permettre à tous les citoyens d’être complémentaires de l’IA et non remplaçables par celle-ci.

Le risque d’une augmentation des inégalités est fort

Il est urgent de former toute la population avant que le tsunami induit par cette intelligence ne bouleverse le marché du travail. Pour préparer la société, les entreprises et l’école, il est nécessaire d’évaluer ses conséquences sur la dynamique économique et la demande de travail. Or l’impact de l’IA est incroyablement difficile à modéliser.

La conférence « The implications of artificial intelligence for the macroeconomy », qui s’est tenue début avril 2018 à Washington a mis en lumière la complexité du sujet. Le Prix Nobel Joseph Stiglitz et Anton Korinek y ont donné une conférence passionnante sur les différents scénarios envisageables. L’IA produit de profondes distorsions dans l’utilisation du capital et du travail. Et de multiples variables peuvent modifier son impact sur nos modèles sociaux : taxation du travail et du capital, durée des brevets, droit de la concurrence…

Les modèles économiques nécessaires pour appréhender ce choc technologique sont multiples et peu accessibles au profane : Arrow-Debreu, Solow, IS-LM, paradoxe de Leontief, Atkinson-Stiglitz, Brynjolfsson, Rock et Syverson ? La conclusion des réflexions actuelles est que la destruction massive d’emploisn’est pas certaine mais que le risque d’une augmentation des inégalités est fort et que les mesures pour s’y opposer sont complexes à mettre en oeuvre si l’IA progresse vite.

Stiglitz pense même qu’une approche malthusienne pour l’interdire ou la limiter pourrait éviter le retour vers une grande dépression du type de celle des années 1930. La plupart des économistes pensent que la singularité – le moment où les machines dépassent les cerveaux humains dans tous les domaines – est une perspective lointaine, mais que les IA actuelles – dénuées de consciences artificielles – vont bouleverser les équilibres économiques.

Sortons des discussions de café du commerce

Une chose est sûre : les économistes français doivent s’investir davantage. Nous n’allons plus pouvoir nous limiter à des polémiques stériles, aux poncifs et lieux communs sur le sujet. Nous avons perdu trop de temps en discussions idéologiques sur l’impact de l’IA, alors que les chercheurs anglo-saxons en économie font un travail de fond remarquable. Prophétiser, sans modélisation économique sérieuse, la mort du travail ou au contraire un nouvel âge d’or est dérisoire !

Il faut créer des chaires prestigieuses pour approfondir les multiples conséquences économiques des IA et les confier à nos meilleurs économistes tant l’enjeu est important : Philippe Aghion (seul économiste français avec Nicolas Bouzou à avoir écrit sur ce thème), le Prix Nobel Jean Tirole ou bien encore Esther Duflo… Sortir des discussions de café du commerce dans lesquelles nous nous complaisons tous sera difficile, mais la paresse intellectuelle ne peut pas nous préparer à un choc aussi complexe.

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