« Des navettes autonomes rouleront en Grande-Bretagne d’ici deux à cinq ans ».

Le directeur académique du laboratoire de recherche sur les transports britannique mobilise professionnels et habitants pour faire du pays l’un des pionniers du véhicule autonome.

Nick Reed est directeur académique du Transport Research Laboratory. © TRL

JDN. La reine d’Angleterre a récemment déclaré vouloir faire du développement duvéhicule autonome une priorité. Pourquoi est-ce si important pour vous ? Quels problèmes comptez-vous régler avec la voiture sans chauffeur ?

Nick Reed. Notre population est vieillissante et grandissante, donc la sécurité routière est un enjeu crucial pour le pays. Nous avons toujours été parmi les meilleurs sur ce point et nous voulons le rester grâce aux nouvelles formes de mobilité.

Nous bénéficions à la fois d’une législationfavorable aux expérimentations et d’un cadre réglementaire clair pour les entreprises qui veulent tester leurs technologies sur le territoire britannique. Un groupe de travail gouvernemental y est même entièrement dédié. C’est un signal très positif pour l’industrie, qui y est très réceptive.

 

Le gouvernement britannique a accordé une enveloppe de 100 millions de livres pour développer des projets autour de la voiture sans chauffeur dans tout le pays. Quels sont ceux en cours et les prochains ?

Une première enveloppe de 19 millions de livres avait déjà été accordée en décembre 2014 pour préparer le terrain et réaliser des études de faisabilité. En janvier 2016, 20 millions supplémentaires ont été alloués pour lancer des expérimentations concrètes sur autoroute dès 2017. Nous pensons que les voitures semi-autonomes y seront autorisées dans les cinq prochaines années.

Pour la troisième étape, qui sera annoncée en juin, il s’agira de passer de la recherche au déploiement et de lever les barrières commerciales. C’est-à-dire de concevoir des services opérationnels de transport autonomes qui répondent à de réels besoins des habitants.

 

TRL vient justement de lancer à Greenwich une campagne de test de navettes sans chauffeur ouverte au grand public dans le cadre de GATEway, un projet financé à hauteur de 9 millions de livres par le gouvernement. Qu’en attendez-vous ?

« Pendant quatre semaines, les citoyens vont pouvoir tester des navettes autonomes et donner leur avis »

Nous voulons comprendre ce qu’ils en pensent avant de monter à bord et recueillir leurs impressions pendant et après les tests. Nous avons observé que toutes les études qui ont été faites jusqu’à maintenant sur la voiture sans chauffeur posaient la question à des gens qui n’avaient jamais eu l’occasion d’y mettre les pieds. Ce ne sont donc là que des préjugés. L’idée avec ce projet est de comprendre ce que les citoyens attendent vraiment des navettes autonomes. Pendant quatre semaines, nous leurs donnons l’occasion de les tester et de donner leur avis. Cela nous permettra de déterminer quel design donner à ces navettes, et quels services proposer à bord, mais aussi de voir à quels endroits il y aura suffisamment de demande pour mettre en place un service économiquement viable. Beaucoup d’autres villes britanniques sont d’ores et déjà intéressées pour faire de même et nous prévoyons que ce type de transport soit déployé d’ici deux à cinq ans.

 

Toujours à Greenwich, vous avez aussi récemment ouvert le UK Smart Mobility Living Lab pour aider les professionnels de l’automobile, qu’ils soient constructeurs, équipementiers ou spécialistes des systèmes embarqués, à tester leurs technologies. Qu’espérez-vous tirer de cette expérience ?

« 20 entreprises ont déjà rejoint le UK Smart Mobility Living Lab »

La multimodalité est un enjeu crucial et il est donc important d’intégrer dans le processus toutes les entreprises qui ont des idées à apporter sur la mobilité du futur. Chacune d’entre-elles aura une brique à apporter dans un plan de transport global. Il y a les voitures particulières, les navettes, les camions, etc. Cela nous permettra de profiter de la richesse du marché et de se tenir au fait de toutes les avancées. Les compagnies sont très demandeuses. Elles sont déjà 20 à avoir rejoint le Living Lab. Wabiness, réseau d’apporteurs d’affaires, agents commerciaux.

 

La députée-maire de Londres en charge des transports, Isabel Dedring, affirmait en février que la capitale britannique était en « discussions actives » avec Google pour accueillir sur ses routes les essais de la Google Car. Travaillez-vous avec la firme américaine ?

Toutes les entreprises qui travaillent sur le véhicule de demain nous intéressent, y compris les géants de l’informatique. En revanche, nous ne pouvons pas dévoiler leurs noms pour des raisons de confidentialité. Tout ce que je peux dire c’est que nos travaux intéressent beaucoup à l’étranger, et notamment au Moyen-Orient.

 

On parle beaucoup de la voiture autonome mais vous travaillez aussi sur les camions de transport de marchandises sans chauffeur. Où en êtes-vous ?

« Les convois de camions autonomes réduisent de 10 à 15% la consommation de carburant »

Nous avons lancé en 2015 une première expérimentation de convoi semi-autonome, c’est-à-dire que le premier semi-remorque était conduit par un chauffeur humain et plusieurs autres le suivaient en toute autonomie derrière. Nous avons observé que cela réduisait de 10 à 15% la consommation de carburant. Et si cela venait à se généraliser, cela améliorerait considérablement l’efficacité des livraisons tout en réduisant les embouteillages. C’est beaucoup plus simple à mettre en place que du transport autonome de passagers et des tests plus poussés seront réalisés dans les 12 prochains mois pour une mise en service effective dans les cinq prochaines années.

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